Mes diners seraient longs : -- apres les vins de France,
Le fromage onctueux et le gras curacao,
Je parlerais avec flegme de la garance,
Du bourgmestre defunt, ou d'un nouveau vaisseau.
Entre les tilleuls roux que depassent a peine
Les pignons espagnols de ma chere maison,
Je voudrais voir filer, de mon fauteuil de chene,
Les grand'voiles des Kofs, blanches, a l'horizon.
J'aimerais voir aussi les voitures dorees
Qui, pendant les grands jours, portent les paysans,
Et, le long des canaux, les barques amarrees
Dressant au ciel leurs mats goudronnes et luisants.
Je me sens, je l'avoue, un grand faible dans l'ame
Pour le pays d'Erasme et des bons imprimeurs,
Pour ses larges foyers а l'eternelle flamme,
Rougissant, a la nuit, la face des fumeurs :
Car j'aime en ce pays calme une jeune fille.
Sous un ciel gris et doux qu'un coure ete bleuit,
Plaisir des yeux emus de sa grave famille,
Fleur modeste et charmante, elle s'epanouit.
Ce n'est point Amsterdam la marchande, ni Leyde
La savante, ni Delft, vieil emailleur de pots,
Qui renferme l'enfant honnete а qui je cede
Docilement mon coeur avide de repos.
Non ! un coin ignore, dans le pays des digues,
Des braves amiraux et des grands stathouders,
Derobe mon tresor а l'oeil des vieux prodigues :
Il est, sous des tilleuls, dans le fond des polders.
Oui, c'est la-bas, la-bas, sur les bords de la Meuse,
Dans les marais herbus, pleins de boeufs en ete,
Non loin de Rotterdam, la Marseille brumeuse,
Ou l'on boit, tous les soirs, des oceans de the.
Ma Keetjen aux yeux bleus est blonde comme l'ambre ;
Son teint est blanc; sa joue est d'un carmin tres-frais,
Et pareille a l'epi rose embaumant sa chambre
D'une jacinthe en fleur dans un vase de gres.
Lorsque le mois de mai de fleurs jaunes constelle
Les paturages verts, elle court au marche
En courte jupe rouge, en bonnet de dentelle,
Le front sous un bandeau d'or a moitie cache;
En haut de son corsage une toile de Frise
Palpite sous l'effort de son sein ingenu ;
Sa robe qui s'envole en arriere a la brise,
Laisse voir son bas vert et son soulier menu.
L'hiver, par les temps noirs, elle part, sur la glace,
Un grand panier au bras ; -- le fer de son patin
Coupe la glace et file en laissant moins de trace
Qu'aux rayons du soleil les brumes du matin.
Et, chaque samedi, de l'aube au soir, sans honte,
Elle ecure et fourbit, a tour de bras et dru,
Les coquemars de cuivre et les poeles de fonte,
Ou donne au carrelage un ton de beefsteack cru !
Adieu, bonheurs trop surs ! -- Va, tes yeux adorables,
Ma placide Keetjen, jamais ne les verrai;
Et loin de la Hollande aux moulins innombrables,
Ainsi que Chien-Caillou, dans mon trou je mourrai.
Примечания:
*Шанфлёри - псевдоним писателя - его настоящее имя Жюль Франсуа Феликс Юссон (Husson) .
Шанфлёри (1821-1889) - автор нескольких романов; в них, в сборниках рассказов, в большом и очень известном очерке "Шьен-Кайу" он отразил жизнь парижской богемы, считая необходимым изображать жизнь низших слоёв общества. Его творчество было остро критическим. Вокруг себя он сплотил кружок деятелей искусства, чью манеру отображения жизни называли "реализмом".Это было искреннее и взволнованное творчество, но оно страдало протоколизмом и стенографичностью. Шанфлёри критиковал Бальзака,Флобера, братьев Гонкуров за "объективизм", но в соревновании школы Бальзака и Шанфлёри несомненная победа осталась за Бальзаком и его последователями.
Шьен-Кайу (это не имя, а прозвище, что-то вроде "Собачьей Черепушки") - герой очерка Шанфлёри, бедняк, жилец микроскопической жалкой комнаты возле лестницы, живое олицетворение униженности и несчастья.