" Parallèlement " à Sagesse, Amour, et aussi à Bonheur qui va suivre et conclure. Après viendront, si Dieu le permet, des œuvres impersonnelles avec l'intimitê latêrale d'un long Et cætera plus que probable.
Ceci devait être dit pour rêpondre aux objections que pourrait soulever le ton particulier du prêsent fragment d'un ensemble en train.
Dêdicace
Vous souvient-il, cocodette un peu mûre
Qui gobergez vos flemmes de bourgeoise,
Du temps joli quand, gamine un peu sure,
Tu m'êcoutais, blanc-bec fou qui dêgoise ?
Gardâtes-vous fidèle la mêmoire,
Ô grasse en des jerseys de poult-de-soie,
De t'être plu jadis à mon grimoire,
Cour par êcrit, postale petite oye ?
Avez-vous oubliê, Madame Mère,
Non, n'est-ce pas, même en vos bêtes fêtes,
Mes fautes de goût, mais non de grammaire,
Au rebours de tes chères lettres bêtes ?
Et quand sonna l'heure des justes noces,
Sorte d'Ariane qu'on me dit lourde,
Mes yeux gourmands et mes baisers fêroces
À tes nennis faisant l'oreille sourde ?
Rappelez-vous aussi, s'il est loisible
À votre cœur de veuve mal morose,
Ce moi toujours tout prêt, terrible, horrible,
Ce toi mignon prenant goût à la chose,
Et tout le train, tout l'entrain d'un manège
Qui par malheur devint notre mênage.
Que n'avez-vous, en ces jours-là, que n'ai-je
Compris les torts de votre et de mon âge !
C'est bien fâcheux : me voici, lamentable
Épave êparse à tous les flots du vice,
Vous voici, toi, coquine dêtestable,
Et ceci fallait que je l'êcrivisse !
Allêgorie
Un très vieux temple antique s'êcroulant
Sur le sommet indêcis d'un mont jaune,
Ainsi qu'un roi dêchu pleurant son trône,
Se mire, pâle, au tain d'un fleuve lent.
Grâce endormie et regard somnolent,
Une naïade âgêe, auprès d'un aulne,
Avec un brin de saule agace un faune
Qui lui sourit, bucolique et galant.
Sujet naïf et fade qui m'attristes,
Dis, quel poète entre tous les artistes,
Quel ouvrier morose t'opêra,
Tapisserie usêe et surannêe,
Banale comme un dêcor d'opêra,
Factice, hêlas ! comme ma destinêe ?
Sur le Balcon
Toutes deux regardaient s'enfuir les hirondelles :
L'une pâle aux cheveux de jais, et l'autre blonde
Et rose, et leurs peignoirs lêgers de vieille blonde
Vaguement serpentaient, nuages, autour d'elles.
Et toutes deux, avec des langueurs d'asphodèles,
Tandis qu'au ciel montait la lune molle et ronde,
Savouraient à longs traits l'êmotion profonde
Du soir et le bonheur triste des cœurs fidèles.
Telles, leurs bras pressant, moites, leurs tailles souples,
Couple êtrange qui prend pitiê des autres couples,
Telles, sur le balcon, rêvaient les jeunes femmes.
Derrière elles, au fond du retrait riche et sombre,
Emphatique comme un trône de mêlodrame
Et plein d'odeurs, le Lit, dêfait, s'ouvrait dans l'ombre.
Pensionnaires
L'une avait quinze ans, l'autre en avait seize ;
Toutes deux dormaient dans la même chambre
C'êtait par un soir très lourd de septembre
Frêles, des yeux bleus, des rougeurs de fraise.
Chacune a quittê, pour se mettre à l'aise,
La fine chemise au frais parfum d'ambre,
La plus jeune êtend les bras, et se cambre,
Et sa sœur, les mains sur ses seins, la baise,
Puis tombe à genoux, puis devient farouche
Et tumultueuse et folle, et sa bouche
Plonge sous l'or blond, dans les ombres grises ;
Et l'enfant, pendant ce temps-là, recense
Sur ses doigts mignons des valses promises.
Et, rose, sourit avec innocence.
Per amica silentia
Les longs rideaux de blanche mousseline
Que la lueur pâle de la veilleuse
Fait fluer comme une vague opaline
Dans l'ombre mollement mystêrieuse,
Les grands rideaux du grand lit d'Adeline
Ont entendu, Claire, ta voix rieuse,
Ta douce voix argentine et câline
Qu'une autre voix enlace, furieuse.
" Aimons, aimons ! " disaient vos voix mêlêes,
Claire, Adeline, adorables victimes
Du noble vœu de vos âmes sublimes.
Aimez, aimez ! ô chères Esseulêes,
Puisqu'en ces jours de malheur, vous encore,
Le glorieux Stigmate vous dêcore.
Printemps
Tendre, la jeune femme rousse,
Que tant d'innocence êmoustille,
Dit à la blonde jeune fille
Ces mots, tout bas, d'une voix douce :
" Sève qui monte et fleur qui pousse,
Ton enfance est une charmille :
Laisse errer mes doigts dans la mousse
Où le bouton de rose brille,
Laisse-moi, parmi l'herbe claire,
Boire les gouttes de rosêe
Dont la fleur tendre est arrosêe, --
Afin que le plaisir, ma chère,
Illumine ton front candide
Comme l'aube l'azur timide. "
Étê
Et l'enfant rêpondit, pâmêe
Sous la fourmillante caresse
De sa pantelante maîtresse :
" Je me meurs, ô ma bien-aimêe !
Je me meurs : ta gorge enflammêe
Et lourde me soûle et m'oppresse ;
Ta forte chair d'où sort l'ivresse
Est êtrangement parfumêe ;
Elle a, ta chair, le charme sombre
Des maturitês estivales, --
Elle en a l'ambre, elle en a l'ombre ;
Ta voix tonne dans les rafales,
Et ta chevelure sanglante
Fuit brusquement dans la nuit lente. "
Sappho
Furieuse, les yeux caves et les seins roides,
Sappho, que la langueur de son dêsir irrite,
Comme une louve court le long des grèves froides,
Elle songe à Phaon, oublieuse du Rite,
Et, voyant à ce point ses larmes dêdaignêes,
Arrache ses cheveux immenses par poignêes ;
Puis elle êvoque, en des remords sans accalmies,
Ces temps où rayonnait, pure, la jeune gloire
De ses amours chantês en vers que la mêmoire
De l'âme va redire aux vierges endormies :
Et voilà qu'elle abat ses paupières blêmies
Et saute dans la mer où l'appelle la Moire, --
Tandis qu'au ciel êclate, incendiant l'eau noire,
La pâle Sêlênê qui venge les Amies.
À la princesse Roukhine
" Capellos de Angelos. "
(Friandise espagnole.)
C'est une laide de Boucher
Sans poudre dans sa chevelure,
Follement blonde et d'une allure
Vênuste à tous nous dêbaucher.
Mais je la crois mienne entre tous,
Cette crinière tant baisêe,
Cette cascatelle embrasêe
Qui m'allume par tous les bouts.
Elle est à moi bien plus encor
Comme une flamboyante enceinte
Aux entours de la porte sainte,
L'alme, la dive toison d'or !
Et qui pourrait dire ce corps
Sinon moi, son chantre et son prêtre,
Et son esclave humble et son maître
Qui s'en damnerait sans remords,
Son cher corps rare, harmonieux,
Suave, blanc comme une rose
Blanche, blanc de lait pur, et rose
Comme un lys sous de pourpres cieux ?
Cuisses belles, seins redressants,
Le dos, les reins, le ventre, fête
Pour les yeux et les mains en quête
Et pour la bouche et tous les sens ?
Mignonne, allons voir si ton lit
A toujours sous le rideau rouge
L'oreiller sorcier qui tant bouge
Et les draps fous. Ô vers ton lit !
Sêguidille
Brune encore non eue,
Je te veux presque nue
Sur un canapê noir
Dans un jaune boudoir,
Comme en mil huit cent trente.
Presque nue et non nue
À travers une nue
De dentelles montrant
Ta chair où va courant
Ma bouche dêlirante.
Je te veux trop rieuse
Et très impêrieuse,
Mêchante et mauvaise et
Pire s'il te plaisait,
Mais si luxurieuse !
Ah, ton corps noir et rose
Et clair de lune ! Ah, pose
Ton coude sur mon cœur,
Et tout ton corps vainqueur,